Charles Dreyfus

Mrs Terry Zakine-Cerf of Israel has supplied the following information from her own research into her family history.

Souvenirs de famille sur

Charles Dreyfus

Charles DREYFUS, né en 1848 à Rixheim, fils d'Abraham et Mélanie (Minette) Dreyfus, est décédé vers 1936 à Cannes ou Menton en France. Il était chimiste et avait fait ses études à l'école de chimie de Mulhouse. A l'époque il importait de développer les couleurs artificielles, dites d' "aniline", dont l'industrie de textile en plein développement au milieu du XIXème siècle avait grand besoin. Charles entra très jeune chez "Dollfus-Mieg et cie." la plus grande fabrique européenne de fil (qui éxiste toujours à la même place à Mulhouse) et dont le fil DMC est aujourd'hui encore très connu. On raconte dans la famille que la reine Eugénie, femme de Napoléon III, voulant pour ses étoffes un bleu très spécial, se serait adressée à cette firme. Charles ayant trouvé la bonne couleur, cela aurait provoqué la jalousie de ses collègues et par conséquent son départ de la fabrique.

On le recommanda chaudement à une usine liée à DMC en Angleterre à Manchester ou l'industrie du textile était aussi bien développée. J'ignore la suite exacte, toujours est-il que Charles se mit à son compte et devint tout jeune encore le propriétaire et directeur d'une usine de chimie la "Aniline Corporation" de Clayton. Il avait beaucoup de sens social, ce qui était plutôt rare pour l'époque. Par exemple il avait fait construire 40 maisons pour ses ouvriers. Pendant la guerre de 1914-1918 il paraît qu'il travaillait sans bénéfices pour l'armée anglaise à fabriquer des explosifs, il y aurait même eu une grande explosion dans sa fabrique.

Charles, docteur de l'Université de Manchester, était président de la Communauté Israélite de Manchester avec Nathan Laski ainsi que de la Société Sioniste. Il s'occupait aussi de politique et était un "Grand Monsieur" du parti conservateur, le parti de Churchill. Il avait même reçu une proposition d'être nommé "Lord Major" c'est à dire Maire de Manchester mais l'avait refusée. Il y aurait un parc et un monument de lui mais je n'ai pas encore pu vérifier sur place.

Mon beau-père, Fernand Goldschmidt dit "Nénand", (petit-fils de Mathilde, une des soeurs de Charles), à bien connu Charles. Il avait passé 20 ans quand ce dernier est décédé. Après sa retraite, Charles venait chaque année en France et en Suisse rendre visite à la famille avant de se rendre à Cannes ou Menton ou il passait plusieurs mois de repos. En général il restait trois semaines chez sa soeur Mathilde à Berne et c'était toujours oncle Georges qui allait le chercher a Bâle ou il arrivait d'Alsace.

Charles était un petit homme svelte avec un teint rose et des cheveux tout blancs en brosse. Il était toujours merveilleusement bien habillé. Il prenait son bain chaque matin, chose extraordinaire à cette époque! Il aimait raconter blagues et boniments en Yiddish alsacien comme par exemple: "Un marchand de bétail revient de chez un paysan et rencontre son fils. Il lui dit "Schema veni, ich hob gedivvert seigsch geniftert, d'r reife isch f'r dich" ce que l'on pourrait traduire à peu près par "Ecoute mon fils, j'ai dit que tu avais "crevé", le bénéfice que j'en ai retiré est pour toi".

Deux où trois fois par semaines il partait avec Georges au "Kursaal" à Berne ou à plus de 80 ans il allait danser! Etant un merveilleux danseur il invitait les plus belles jeunes filles. Il avait un immense succès, tout le monde le regardait et s'amusait. Il disait que c'était son sport et, restant dans la tradition familiale, aimait beaucoup l'autre sexe Il adorait la cuisine Juive-Alsacienne comme la faisait sa soeur Mathilde, mais disait toujours qu'il fallait s'arrêter de manger lorsqu'on avait encore un petit peu faim.

Charles s'était marié à Rixheim avec Hedwige BESIFEIN, d'origine allemande, très instruite du type maîtresse d'école. Ils n'ont pas eu d'enfants mais ont élevé une fille, Marjorie, de la parenté de sa femme et lorsque Abraham son père est décédé, il a pris chez lui son plus jeune frère, Yvan, qui avait 11 ans et l'a élevé comme son fils.

Hedwige mourût bien avant Charles qui s'est remarié à 86 ans en 1934 à Menton avec une vieille amie, Ada THORNHILL. Il n'a malheureusement pas pu profiter longtemps de cette union puisqu'il est décédé environ deux ans après. N'oublions pas de dire que Charles s'est toujours occupé de la famille. C'est ainsi qu'il a soutenu et aidé sa belle-mère Marie après la mort de son père, et qu'il a dotées toutes ses soeurs, et il en avait plusieurs!

Ce qui suit a été écrit par le Dr. Charles Dreyfus de Paris à la mémoire de son père, le Dr. Yvan Dreyfus, qui fut à l'origine de la rencontre entre son oncle Charles Dreyfus et Chaim Weitzman.

Le jeune frère de Charles,Yvan, ayant fini ses études, vint voir sa mère qui habitait alors à Nyon en Suisse. Celle-ci, très agée, le supplia de ne pas "partir en Inde chez les sauvages" et de revenir en Suisse. Il céda à sa demande, revint à Nyon et décida de faire des études de médecine à la faculté de Genève, très réputée.

C'est là qu'il fit connaissance chez le Grand-Rabin Wertheimer d'un jeune chimiste russe Chaim Weizmann, qui avait étudié en Allemagne et perfectionnait ses connaissances à l'Université de Genève.

Ayant terminé ses études Weizmann cherchait vainement une situation et Yvan le présenta à Charles venu voir sa mère en Suisse. Ce dernier lui proposa un poste en Angleterre dans ses usines et le ramena avec lui à Manchester. Devenu chimiste à la "Clayton Chemical Industrie" il y réussi très brillamment et y resta de 1904 à 1916. Au moment de la déclaration de guerre en 1914, il était directeur de la fabrication des explosifs, poste qui devenait d'une importance capitale pour un pays en guerre.

Ses connaissances approfondies dans ce domaine, dues à ses études en Russie, Allemagne, Suisse et Angleterre, le firent nommer en 1916 Directeur des Laboratoires de l'Amirauté Britannique, poste qu'il occupa jusqu'à la fin de la guerre.

Voulant manifester à Weizmann la reconnaissance de l'Angleterre pour l'aide qu'il avait apportée à l'effort de guerre, Arthur Balfour, Premier Lord de l'Amirauté devenu Ministre des Affaires Etrangères, lui demanda quelle décoration ou récompense il désirait. Weizmann, fervent sioniste, lui demanda d'étudier la création d'un Foyer National Juif en Palestine, que les Anglais étaient justement en train de libérer de la domination Turque: la "Déclaration Balfour" fut proclamée le 2 novembre 1917

La suite est connue de tous, mais qui saura mesurer l'importance du "petit coup de pouce" donné à l'histoire par Yvan Dreyfus recommandant un jeune chimiste inconnu à son frère Charles?